Dans son article : « Raison d’être : Est-il nécessaire de vouloir bâtir une cathédrale pour donner du sens à son travail ? », Philippe Silberzahn interpelle cet engouement qu’ont les entreprises à formuler une mission, une raison d’être, une vision ou un récit mobilisateur.
Le sens, une question individuelle
Il tort l’idée reçue que l’homme a besoin de donner du sens au-delà de son travail quotidien. « Pourquoi ce travail ne pourrait-il pas avoir un sens en lui-même ? Pourquoi le sens de notre travail devrait-il nécessairement venir de l’extérieur, comme une sorte de supplément d’âme ? », s’interroge-t-il.
Remettre en cause cette idée de la nécessité de se rattacher à un artefact transcendant pour qu’un individu s’engage dans son travail renforce le credo que porte Intedyn (société de conseil, éditeur d’Intedyn Review) : « l’essentiel de l’énergie, de l’intelligence et du sens dont l’entreprise a besoin pour penser et agir sur son devenir est déjà là, en son sein ». On ne donne pas du sens comme on donne, dans les cathédrales, le corps du Christ à la messe ! « On construit ensemble un sens commun », qui peut porter aussi sur une démarche, une façon d’être ensemble, une tonalité, une intention, des liens qui unissent les membres d’une communauté pour juste faire bien leur travail !
L’auteur invite alors à effectuer un retour sur soi-même, et à autoriser chacun à construire et exprimer le sens qu’il donne à son action sans chercher une réponse « ex-cathedra », à l’extérieur de lui-même !
En suivant ainsi Philippe Silberzahn, c’est-à-dire une fois rétabli cet ordre des choses dans lequel l’individu est premier dans l’expression du sens, on peut s’avancer sur la dimension collective, sur le chemin par lequel un collectif prend conscience, énonce, se reconnaît dans un sens partagé. Cela rejoint alors un autre crédo d’Intedyn sur le caractère sensible d’un tel chemin : « seule une démarche rigoureuse, sincère et authentique d’intelligence collective à hauteur d’entreprise peut générer ce sens partagé et favoriser l’engagement »
Le jugement de valeur sur les valeurs
Dans ce court article, l’auteur développe une deuxième idée force. Il revient sur le fait que cette fable de la cathédrale parle justement… d’une cathédrale, et non d’une boulangerie ou d’un égout. L’auteur nous invite à prendre conscience de l’existence d’une hiérarchie des valeurs implicite, laissant à penser que non seulement le sens est donné de l’extérieur, mais qu’il ne peut se trouver que dans des espaces, des activités ou des projets « nobles ». Il invite à se départir de cet a priori, et au contraire à considérer que les éléments de sens, de raison d’être, de finalité, de fierté de l’individu ne sont pas moindres lorsqu’il s’agit de construire un réseau d’égouts que de bâtir une cathédrale.
En suivant Philippe Silberzahn, et en étant ainsi libéré des jugements de valeur implicites qu’il révèle, il est possible de revenir plus sereinement sur une question qui nous tient à cœur : celle de l’ambition, qui est une des formes du sens. Une fois acté le fait que l’ambition n’est pas réservée aux causes « nobles », et qu’elle peut résonner au niveau individuel tout autant qu’à celui de l’organisation, il devient à nouveau possible de ne pas opposer, et de conjuguer. Ne pas opposer le sens que l’individu met dans son travail, dans son action, et le fait que cela participe d’une ambition plus vaste. Conjuguer ces deux registres : celui de l’individu et de l’organisation dont il fait partie, et celui de l’action au quotidien et de la réalisation à laquelle elle contribue. Et c’est bien endosser une nouvelle responsabilité, pour des dirigeants, que de poser et aborder ainsi le sujet (plutôt que d’imposer un sens et une direction). Poser le sujet, et ouvrir ensuite un chemin de co-construction, car ce type de conjugaison ne se fait pas, ou rarement, de façon spontanée et évidente.
Là où, nous inspirant de cette lecture de Philippe Silberzahn, nous mettons en avant la possibilité d’un autre dialogue autour du sens, l’auteur va de son côté encore plus loin dans les effets possiblement néfastes du fait de se donner comme ambition de bâtir une cathédrale, qu’il qualifie d’irréaliste, voire anti-humaniste, épuisant, destructeur… ou tout simplement inefficace.
Son article, dont nous recommandons la lecture vivifiante, se trouve en intégralité au lien suivant : https://philippesilberzahn.com/2021/01/18/est-il-necessaire-de-vouloir-batir-une-cathedrale-pour-donner-un-sens-a-son-travail/
Ce « Lu ailleurs », qui est l’un de nos formats de publication, exprime un point de vue. Il est surtout une invitation à en initier d’autres, en prolongement ou en rebond par rapport à cette esquisse. Les réactions et commentaires sont donc les bienvenus…
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